21 Mars 2019
Début mars, j'ai à deux reprises dégradé la cabane que des militants se revendiquant Gilets Jaunes ont monté sur la place Jacques Duclos. La colère est retombée, et le moment est venu de revenir, à froid, sur ce qui s'est passé, de mon point de vue. Et comment, d'une pulsion de destruction, on peut passer à une action constructive.
"Ok elle est bâtie ainsi et donc si je pousse comme ça sans besoin de trop bourriner..."
Crrac. Et recrac. Et recrac encore. ça y était j'avais démoli une cloison de la cabane montée par les gilets jaunes sur la place de la croix de chavaux, sous le monument à la résistance "Goldorak". Je pouvais accéder au fourbi rangé derrière le cadenas qui n'avait plus d'utilité. Fourbi protégé des passants et des SDF dormant en nombre aux alentours. Mais pas d'un individu décidé et hostile au mouvement des gilets jaunes. Dans les ombres de l'aube j'avais reconnu un gars qui allait sans aucun doute voir s'il trouverait dans la cabane maintenant livrée de quoi améliorer sa journée.
En ce qui me concernait ça irait bien pour aujourd'hui. J'ai annoncé mon "exploit" et je suis allé me reposer. Un peu plus tard, je me suis dit que j'aurais pu finir cette démolition à mains nues, en pas beaucoup plus de temps. j'ai cogité là dessus, comment j'aurais pu faire différemment, avec plus de méthode. J'ai retrouvé une bonne paire de gants de travail, un cutter solide pour gérer la bâche et les cordages. Je suis passé à la quincaillerie, prendre des bombes de peintures. C'est quand je me suis vu soupeser un marteau que j'ai repris ma lucidité.
"Attends, mec. C'est par conviction politique que tu agis, là? Par responsabilité citoyenne? TU KIFFES, en fait"
Je suis un alcoolique polytoxicomane. Je suis en rémission. Je n'ai pas bu ou pris de produits depuis bientôt neuf ans. Mais j'avais trouvé comment me shooter à l'adrénaline et à l'endorphine avec un prétexte militant.
Le mouvement des gilets jaunes est pour moi une incarnation du mal, Caïn marchant sur terre
http://www.tous-montreuil.fr/2018/12/cinq-nuances-de-gilets-jaunes-a-montreuil.html
M'agace notamment la tendance de ce mouvement à confisquer les énergies au nom de la convergence des luttes, et à invisibiliser les autres. je pense notamment au mouvement des coquelicots, né cet automne, se manifestant par un rassemblement pacifique mensuel devant les mairie. Mouvement complètement occulté par celui des gilets jaunes qui a imposé sa périodicité hebdomadaire. Le premier vendredi de chaque mois n'est plus le temps fort des coquelicots, mais la veille du prochain acte, nommé "insurrection", "ultimatum", "rébellion", "embrasement", tel un opus de Hunger Games.
Gilets jaunes, glyphosate des luttes. Je l'avais déjà exprimé
http://www.tous-montreuil.fr/2019/01/nous-voulons-des-coquelicots-acte-iv-a-montreuil.html
Un rassemblement Coquelicots après l'autre, où il était de moins en moins question de pesticides mais de plus en plus de gilets jaunes et de la cabane, la colère montait.
Le 1er mars elle a franchi un cap. A débordé. Emporté ce qui restait de raison et de sérénité pour tenir jusqu'au printemps sans passage à l'acte. Résultat...
http://www.tous-montreuil.fr/2019/03/casser-la-cabane-des-gilets-jaunes-de-montreuil.html
On va classer les réactions des gilets jaunes en deux catégories, même si c'est encore à gros traits vu l'hétérogénéité du mouvement, même à Montreuil.
Il y a les "vrais", les "sincères",qui ont été vraiment atteints, blessés par mon action. Et qui ont demandé POURQUOI. Qui n'ont pas compris, mais cherché, une fois la colère surmontée, à comprendre. Avec eux je me suis expliqué. J'ai présenté mes excuses. réparé. Je suis en paix avec eux, sinon avec le mouvement. Je n'ai pas d'hostilité pour eux, tout en conservant, celle pour le mouvement. Ils ont compris. Et je les comprends aussi.
Et il y a les moins sincères. Les déjà militants qui utilisent le mouvement. Ces militants insoumis ont immédiatement instrumentalisé mon action. Nul besoin de comprendre, il suffisait qu'ils imposent le récit qui les arrangent, et ça ils savent très bien faire. Le récit qu'ils ont propagé, c'est celui d'un militant EELV "proche de Voynet" (sans déconner), qui prolongeait les machinations de l'Amère, dans le prolongement des affaires Méliès, qu'ils ont ressorti. Ils ont assumé des appels au harcèlement à mon encontre. Les insoumis ont un rapport ambigu au mouvement. Ils prétendent lui donner un sens qu'il n'a pas, coller sur ce mouvement social un storytelling erroné. Regardez cette crapule de Ruffin, et ce prétentieux de Guénolé. LE MOUVEMENT FAIT PEUR!
C'est ça le projet? Faire peur aux bourgeois? Mais ce ne sont pas les bourgeois qui ont peur. Ce sont les militants pacifistes des coquelicots qui ont peur, que la violence des gilets jaunes discréditent leurs lutte.
Encore une fois j'ai fait la paix avec les "vrais gilets jaunes". Mon ennemi principal, c'est la maladie de la dépendance, pas un mouvement social hétérogène.
Cette cabane, sur le domaine public, est aussi la mienne. Et les coquelicots, pacifiquement, peuvent profiter une fois par mois de la visibilité des gilets jaunes. Ce mouvement, pour retrouver sympathie et gagner en maturité, doit rendre à certaines luttes ce qu'il leur a pris.
Après la colère, on répare. J'ai réparé. Maintenant, comme chaque mois, j'annoncerai le prochain rendez-vous des coquelicots, à la Mairie.
Je taguerai en rouge et noir la cabane jaune. Qui m'en empêcherait?