Arts légaux, art légos, art l'égo

Je suis un fana de Street Art. Tu étais pessimiste, Frollo, Ceci n'a pas tué Cela. L'image imprimée et reproduite ne vient pas à bout de la nécessité d'inscrire dans l'espace humain nos récits et nos rêves d'une manière concrète et durable. Et la ville palimpseste...  il vaut mieux que je m'arrête ici dans ce picorage pompeux dans Hugo mais mon propos est que le street Art, c'est vivant, c'est une nécessité urbaine. Némo, décédé en septembre dernier, était un grand, et un précurseur du StreetArt en France. Dans le haut Montreuil on trouve encore de ses oeuvres. Beaucoup sont effacées, détruites comme celle du Pont de l'A186. En hommage, on les reprend,  comme au centre commercial Croix de Chavaux.  Et quelque part, ça survit. ça inspire, même quand c'est recouvert, ignoré ou pire, pas reconnu. Banksy, le streetartiste le plus bankable du monde, a bien pompé Nemo. C'est problématique ou pas?

L'art est une rencontre avec l'oeuvre, une rencontre individuelle et collective à la fois. L'artiste? Banksy se masque et cultive le secret. Nemo veut dire "personne". Inutile? Oui, mais nécessaire aussi pour ça. Il ne répond pas à une demande, mais satisfait un besoin sérendipiteux.

Prenez "Modern Dance" de Claude Lévêque. C'est une commande de la ville, faite dans les derniers temps du mandat Voynet. Le Château d'eau du Bel Air des années 30 devenait un vestige désaffecté dans un quartier qui tout "éco" qu'il soit, restait bien terne, enclavé. L'oeuvre, trois cerceaux de lampes bleues, donne l'impression que le Chateau d'eau fait du Houla Hop. Je me rappelle pas mal de ce point du conseil municipal de février 2014. Dominique Attia avait critiqué le coût de l'oeuvre (171 269€), suggéré qu'on aurait pu confier la déco du château d'eau aux enfants des écoles. Finalement c'était Brard, bien qu'habituellement opposant à Voynet jusqu'à la connerie, qui avait relevé le niveau en parlant du choix du Prince en terme d'art dans la cité, comme quelque chose qu'il était peu convenant de discuter. Ce côté ancien régime avait sa pertinence.

SIx ans plus tard, début 2021, on apprend que Claude Lévêque est accusé de viols sur mineurs. Comme dans d'autres villes abritant des installations de l'artiste, à Montreuil on décide d'éteindre Modern Dance. Enfin, on. Je dirais que c'est une décision politique, une décision assumée par l'adjointe au Maire à la Culture et à l'éducation populaire Alexie Lorca. Pas vraiment de débat à ce moment là, l'ambiance est à la libération de la parole des victimes, je dirais que la municipalité répond à la première injonction. On est encore dans le bazard de la seconde vague du covid, pas vraiment de débat acharné sur "séparer l'oeuvre de l'artiste", etc... Le débat resurgit à l'automne, avec des arguments autour du rôle de l'oeuvre et du manque, de la perte que crée son extinction.

Le conseil de quartier demande le rallumage, une pétition Change signée par 43 personnes demande qu'elle reste éteinte jusqu'au verdict.

Voici deux articles de fonds sur le sujet

https://www.lefigaro.fr/culture/a-montreuil-l-encombrante-oeuvre-de-rue-de-claude-leveque-accuse-de-viols-sur-mineurs-20211207

https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/12/07/faut-il-rallumer-une-installation-de-claude-leveque-accuse-de-viols-sur-mineurs-a-montreuil-le-debat-fait-rage_6105082_3246.html

Le groupe génération's de la majorité municipale a consacré sa tribune dans le journal municipal à une prise de position qui, sans appeler directement au rallumage de Modern Dance, pose le débat, demande qu'il ait lieu, et offre comme premiers éléments des arguments pro rallumage. Je pense qu'en tant que groupe de la majo Bessac pas très clasheur ils sont très loin, à leur max.

On dirait que la mairie ne souhaite pas plus que ça que le débat se tienne, et je l'entends tout à fait. C'est politiquement un mauvais objet. Et pourtant ce débat me semble nécessaire.

Je prends clairement position pour le rallumage de Modern Dance. Ces cercles lumineux jouent un rôle signalétiques, esthétique, d'éclairage, et j'ajouterais qu'en cette saison de dépression saisonnière on a besoin de ce genre d'oeuvre, on a besoin de lumière. En plus, on n'avait pas le droit de l'éteindre! De quel droit? De quelle loi? Au nom de quoi l'éteindre? Par respect pour les victimes? Sans même faire valoir la présomption d'innocence, reprenons les mots d'Alexie Lorca à propos de l'affaire Polanski, "la censure n'a jamais permis de plaider pour quelque cause que ce soit". Par contre, créer le débat, oui. Hé bien débattons, ALexie! Eh oui, on n'a pas le droit de censurer cette oeuvre, quand bien même Lévêque serait coupable. Et présomption d'innocence ou pas, je pense que le rapport de cet artiste à ses "filleuls" est pour le moins suspect. Mais les salauds gagnent parfois. Il faut l'admettre. Et une fois qu'on l'a admis, on peut aider les victimes de ces salauds. Et ça on le fait mieux dans la lumière. Je ne poserai pas tous les arguments et réfutations, etc. Vous avez compris mon point de vue et cet article est ouvert aux commentaires, aussi nous pouvons débattre!

Et à propos de débat j'en ai lancé un velu hier au sujet de l'art dans la ville. Je revenais d'une distribution de tracts (Jadot) au Marché république quand j'ai vu au frontispice de la station Robespierre la tête de Jean-Luc Mélenchon. En m'approchant je constate qu'il s'agit d'un portrait en pixels réalisé en plaques de légos sur un support 32X32. C'est pas moche (enfin... C'est le visage de Mélenchon, hein!) C'est inaccessible, des milliers de gens passent devant et dessous chaque jour. Quotidiennement. Il s'inscrit dans leur quotidien. A quatre mois d'une élection présidentielle où Méluche est candidat. Après avoir déjeuné et pris rapidement conseil je me rends chez Castorama et expose à un vendeur que je souhaiterais emmancher un couteau de peintre pour décoller un truc en hauteur. Il me renvoie vers un escabeau ou un bricolo avec du scotch. En cherchant je trouve une raclette à manche creux dans laquelle je peux emboutir un long et fin poteau de jardin. C'est un peu trop souple, mais ça devrait le faire. Je retourne à pied à la station de métro et je construis la Hallebarde au bout de laquelle je mettrai la tête du tribun. Le plan s'est déroulé comme prévu! J'ai même récupéré 99,9% des pixels, l'oeuvre est intacte, entre mes mains.

Est-ce que moi, Yannig Geffroy, militant écologiste adhérent EELV j'ai tant besoin d'expliciter mes motivations à commettre cette action? Disons que je pouvais le faire et que ce passage à l'acte répondait à des désirs et des nécessités.

  Après quoi courent les gens? Quel est le ballon rouge que je poursuis, que contient ma valise? Régulièrement, j'entends, "Yannig je ne te comprends pas". Que voulez vous que je réponde avant que vous n'ayez fait l'effort minimum de comprendre? Allez, je prends les questions!