12 Février 2018
Maintenant que le sort du grand projet Inutile et Imposé Notre-Dame-Des-Landes est enterré, y aura-t'il une ZAD à Montreuil dans les Murs à Pêches? C'est ce qu'on peut imaginer à lire la pétition lancée par la Fédération des Murs à Pêches. Mais cette protestation caricaturale et à contre-temps est peu constructive. Désolé cher Pascal Mage, il est d'autres acteurs tout aussi légitimes que toi à agir dans les Murs à Pêches. Tu y as une place importante, mais pas celle de roi. (Roi Mage, vous aviez saisi l'astuce? AH AH AH...hem)
Comme ça a l'air simple, la question EIF, à lire le texte de la pétition de la fédération des Murs à Pêches : C'est un appel à projet du GRAND PARIS confié à BOUYGUES qui va DÉTRUIRE DES MURS A PÊCHES pour CONSTRUIRE DES IMMEUBLES sur des TERRAINS BRADÉS PAR LA VILLE.
Qui ne signerait pas contre? Comment des dirigeants démocratiquement élus, notamment des écolos et des communistes laissent faire un truc pareil? Eh bien j'émets l'hypothèse que ce point de vue ne présente pas la réalité de la situation. Ou le présente de façon caricaturale et inexacte. Je vais essayer de le présenter ici de manière moins simpliste que la pétition. Du coup pour rester simple on va partir de son propos, de ses affirmations grasses, développer ce qu'il faut, et contrer la mauvaise foi quand elle est trop éclatante (peut-être pour la remplacer par la mienne). On ne va pas se priver non plus de renvoyer vers l'info primaire des dossiers et projets.
EIF : la ville de Montreuil met ses Murs à Pêches en danger ! (?)
En ce début 2018, les Murs à Pêches, c'est une trentaine d'hectares, traversés par l'autoroute A186, un patchwork juridique et foncier de parcelles avec ou sans maître, propriétés privées, ou de la ville, ou du département. On y trouve un lycée horticole, des jardins extraordinaires, un théâtre de verdure, la société d'horticulture, des coins où on fait activement vivre ce patrimoine. On y trouve aussi une déchetterie, une autoroute, Mozinor, cette belle zone industrielle verticale, et l'EHPAD et la piscine, et le collège... et demain le centre de remisage et de maintenance du Tramway. Chacun de ces projets de construction, et je pense notamment aux trois dernier, fait débat. Quand on grignote (ou pour le cas du centre de maintenance, quand on croque une grosse bouchée) une parcelle de cette zone des murs à Pêches, on trouve des citoyens attentifs et vigilants.
Mais il serait bon, puisqu'on parle de danger, de rappeler que la vraie mise en péril des murs à Pêches, on la doit à Jean-Pierre Brard. Son projet pour 2008-2014 était d'utiliser sans vergogne près de 80% de cette surface patrimoniale pour bâtir un joli quartier pavillonnaire. ç'en aurait été fini de la vingtaine de kilomètres restant de murs à Pêches. Il y aurait eu, comme dans les autres quartiers de Montreuil gentrifiés, des vestiges sous la forme de limites entre les jardins privés. Du patrimoine bien privé... Mais c'est Dominique Voynet qui a été élu en 2008 et c'est sans doute à ça qu'on doit le débat actuel. Vous trouvez que j'exagère? Allons, c'est pas moi qui ai commencé.
Un patrimoine vivant en danger (?)
Oui, les murs à pêches sont un site fragile. Un site dont certaines zones se détériorent. Mais prétendre que les associations sont "seules sur le terrain", et que les politiques n'ont "ni volonté ni stratégie de conservation du patrimoine", c'est sévère. Le fait de toucher des subventions de fonctionnement n'enlèvecertes en rien le droit de s'exprimer et même de critiquer les choix politiques sur le secteur d'expertise. Mais si la fédération des Murs à Pêches prétend être ce qu'elle est, c'est à dire un regroupement des acteurs associatifs concernés, cette négation de l'action des acteurs publics n'est pas un simple postillon dans la soupe, c'est une lourde giboulée de glaviots.
Un seul exemple d'action publiquement financée, éclairante puisqu'elle porte le sceau d'Est-Ensemble, territoire du Grand Paris : le chantier-école "Restaurons nos murs" dans le cadre du plan local pour l'insertion et l'emploi. La fédération des Murs à Pêches remercie avec raison les stagiaires de ce chantier. Les associations ont un rôle majeur dans ce type de projet. Mais considérer que les associations sont seules, sans appui public, dans les murs à pêches, et que la ville ou le Grand Paris débarquent en prédateur pour placer des projets hors sol sur un terrain dont elles ne se préoccupent pas....
L'appel à projet métropolitain, un effet d'aubaine qui justifierait tout pour la ville (?)
Le Grand Paris, vous connaissez? Oui? Non? Vous êtes contre? Eh bien Patrice Bessac aussi. Il n'empêche que le déni du fait métropolitain et intercommunal n'empêche pas cette couche mal-aimée du mille feuille territorial d'avoir pouvoir et prérogatives, y compris à Montreuil, qui n'est pas une île.
Montreuil est sur le pétale "Est-Ensemble" de la marguerite du Grand-Paris dont la Ville-Lumière est le coeur doré. C'est une partie du bloc communal, et nos représentants à Est-Ensemble comme au Grand-Paris, ce sont nos élus municipaux de 2014. Le Grand-Paris exerce ses prérogatives en matière d'aménagement du territoire, et l'a fait notamment par un vaste appel à projet de réhabilitation de sites situés dans les villes le constituant. On jette un coup d'oeil?
http://www.inventonslametropoledugrandparis.fr/
Vous avez vu? Ligne 3 il y a le mot Start-up. Et puis il y a d'autres mots, qui plaisent ou pas à moi ou à vous. Nous vivons en France dans une république à régime de représentation, démocratie imparfaite à économie de marché capitaliste. On peut avoir l'envie de changer ce système ou de l'améliorer, c'est pour ça qu'on milite en politique. Mais en attendant que la table soit renversée, la partie se joue. J'ai bien envie de changer certaines règles, mais pour le moment regardons comment les cartes tombent et encourageons pour que ce soit les bonnes qui soient jouées.
Ce n'est pas l'hydre du Grand Paris qui a jeté l'une de ses mâchoires vers les Murs à Pêches. Le site EIF a été proposé pour cet appel à projet par nos représentants élus en 2014, conseillés par des fonctionnaires territoriaux, et des acteurs économiques et associatifs. Le reproche fait à ce stade, c'est l'échelle du projet : il porte sur deux hectares dont un seul faisant à proprement parler des Murs à Pêches, c'est une fraction à la fois dérisoire de l'ensemble, et cruciale quand avec d'autres projets tout participe à réduire ce site à peau de chagrin.
On entend l'appel à un projet cohérent pour l'ensemble du site des murs à Pêches. Il parait évident, nécessaire. Mais dans ce cas, pas la peine de faire chauffer la calculette. Pour ces deux hectares du projet EIF, c'est un projet de plusieurs dizaines de millions d'euros. On l'applique à un projet global, sur les murs à Pêches? Le montant n'a plus huit mais neuf chiffres. Ce n'est pas les jeux olympiques mais c'est big. On va le faire à l'échelle de Montreuil avec les associatifs? Et bien sûr sans méchant grand groupe multinational et prédateur?
Une simple question à propos des pépettes et je vous laisse tranquille. Qui paye la dépollution des Murs à Pêches? Rien que sur le site EIF la dépollution de l'ancienne tannerie coûtera minimum un million et demi. Et la pétition de la FMAP se garde bien de préciser que c'est Bouygues qui payera cette somme.
Les murs à Pêches ce n'est pas qu'une zone de verdure survivant dans la métropole urbanisée. C'est aussi une grande déchetterie qui va bientôt fermer, des friches squattées par des campements, des zones interlopes de décharges sauvages et de trafics. Sans parler de cette p... d'autoroute et du fait que l'on voit des gens lutter pour de larges voies latérales sur le tracé du tramway! C'est pas mal, non, de chercher et d'expérimenter des solutions de dépollution pour nos villes après deux siècles d'industrialisation! Qui que ce soit qui le paye. Si pour la SNEM il faut lutter pour un pollueur payeur, Ici ce ne sera plus les tanneurs.
On va commencer par le lire, cet appel à projet
http://www.inventonslametropoledugrandparis.fr/site/reconversion-de-lusine-eif-abords-murs-a-peches/
avec sa documentation
et vu par la ville
Et voici le projet retenu présenté par l'architecte urbaniste
http://www.francoisleclercq.fr/index.php/projets/view/habitats/121
et vu par la ville
Si si, prenez bien le temps. Si je vous résume ce sera pas objectif. Bon j'avoue j'ai un peu la flemme. Ce que je trouve de plus complet et de plus précis, c'est la présentation critique de Montreuil Ecologistes et citoyen-nes dont j'entends les arguments sans tous les partager pleinement. Les MEC (heu... on dit comme ça? je crois pas parce que c'est peut-être le groupe le plus inclusif du conseil municipal...) Les écolos-citoyen-nes, donc, plaident pour qu'on retire du projet la composante logements. Je dirais que ces 85 logements font partie de l'esprit et de l'équilibre economique du projet, et qu'il a réussi de plus à préserver la fonction muséale et ornementale des Murs à Pêches.
Une démocratie toute en façade (?)
Sachez que nos mauvais résultats électoraux (puis d'autres contingences) n'auraient pas permis aux écolos d'être à des postes clés à la ville, au département et à Est-Ensemble pour peser sur le cahier des charges. Se rendant compte que la décision serait un peu trop "coco", et pas assez "Unir Montreuil" , Patrice Bessac a "repêché" Mireille Alphonse pour l'associer à cet appel à projet et aux choix. Elle a pu insister (et convaincre) sur l'importance de la trame verte et bleue et les noyaux primaires et secondaires de biodiversité (et je signale au passage que ceci, tout comme la pollution, ne semble pas obséder les auteurs de la pétition.). Elle a plaidé pour le maintien d'un couvert végétal non goudronné-minéralisé, et effectivement là ce n'est pas gagné, du moins pas au niveau qu'on le rêverait.
Le gros du cahier des charges, c'est le PLU, hein. Une question à la FMAP, qu'auraient-ils voulu ajouter dans ce cahier des charges? Comme participation au débat, les écolos et citoyens (un des deux groupes écolos de Montreuil) évoquent que la construction de logement dans ce projet est contestable et appellent à faire évoluer le projet. ça me semble un peu à contretemps et ressemble à une surenchère avec l'autre groupe écolo auquel appartiennent Mireille Alphonse et Ibrahim Dufriche sur le mode nous sommes les meilleurs écolos, mais c'est plutôt constructif. "L'écologie politique entre expertocratie et autolimitation" dirait André Gorz. Et je dis cela en considérant que chacun des deux avis écolos sur le dossier, le groupe insider le défendant comme acceptable comme le groupe critique demandant à sa modification, sont tiraillés entre cette expertocratie et cette autolimitation. J'ai ma préférence entre les deux factions mais je ne donne pas un badge du meilleur écolo. ça ne marche pas comme ça.
Il est encore temps (?) : nos propositions (?)
Donc la proposition c'est de sortir de l'appel à projet du grand Paris, donc de tirer un trait sur le projet, et de prendre un projet global sur Montreuil, sans le Grand Paris. Donc à la seule échelle communale. Avec "un socle de finance publique" et des financements privés complémentaires. Comme je l'ai dit plus haut, c'est neuf chiffres. Des centaines de millions. Comment la ville seule pourrait constituer un socle de financement public sans se mettre tributaire d'intérêts privés rapaces?
L'avenir des Murs à Pêches, un enjeu pour tout Montreuil (?)
Comment ne pas partager les préoccupations de la FMAP exprimées dans ce dernier paragraphe? Bien entendu que c'est tous ensemble que nous préserverons au mieux et profiterons au mieux des Murs à Pêches. On partage aussi le désarroi face aux décharges et aux squatts. Mais l'inaction de la ville, de grâce! Tout n'est pas question de volontarisme politique. Si la ville n'agit pas sur les questions sécuritaires et environnementales, c'est aussi pour des questions de moyens financiers. Et il faudrait refuser le financement du Grand Paris car pas assez pur? C'est la bonne idée?
Donc la proposition c'est du financement public, mais que de Montreuil, sur un projet de... de qui, en fait? Qui aurait son mot à dire? Les personnes, entreprises et administrations adoubées par Pascal Mage? Chacun a pu prendre connaissance du projet, et formuler critiques et objections. Lors de la réunion qui s'est déroulé en novembre devant une assistance nombreuse on n'a pas noté que cette position de rejet du Grand Paris ait tellement marqué. Au contraire ces imaginaires fertiles ont plutôt convaincus, notamment par la réelle intégration des acteurs économiques et associatifs locaux.
Moi ma proposition c'est que la FMAP se préoccupe du prochain festival des Murs à Pêches 2018. Ce que je vois de plus récent correspond à celui de 2017. Ce sera aussi l'occasion d'en débattre en réel, de cet avenir des murs à pêches, et comment chacun le voit et avec qui.
Post scriptum : au travers de deux soutiens (récupérations?) partisans à cette pétition on peut différencier un groupe politique à vraie sensibilité écologiste d'un groupe qui feint d'en avoir une alors que l'écologie n'est guère plus qu'une pièce rapportée et pas un sujet de pensée politique : alors que les élus municipaux de la France insoumise relaye mot pour mot la pétition, comme si ils l'avaient rédigée, les écologistes et citoyen-nes écrivent un article très creusé où ils disent soutenir la pétition... en la présentant non comme un refus du projet ce qu'elle me semble être, mais ce qu'elle n'est pas tout à fait, comme un appel à le faire évoluer vers quelque chose qui ressemblerait à la "contre proposition" écolo et citoyenne, à savoir l'essentiel du projet sans les logements. Il me semble distinguer la ficelle sans trop plisser les yeux.