24 Janvier 2016
Moussa Ibn Yacoub est maintenant détenu depuis plus d'un mois au Bengladesh. Montreuillois de 28 ans, humanitaire en mission auprès des Rohingyas, son sort suscite peu de sympathies médiatiques pour divers motifs de raisons et de valeurs. Je me joins à tous ceux qui demandent sa libération. Une fois Moussa chez lui il sera temps de mener les controverses, inch'Allah!
Sans avoir la télé j'ai compris que la cause de Moussa avait peut-être souffert de son traitement dans "le supplément". Les représentants de Baraka City ont été maladroits au possible et la récupération du Freemoussa par les très clivants Indigènes de la République qui commence à se voir vont finir par faire une assez mauvaise publicité à une cause qui n'en a pas tant que ça. Aussi j'ai décidé de faire ce petit article de soutien, en espérant que certains y trouveront des arguments qui leur feront infléchir leur avis sur l'"affaire Moussa"
Je n'ai pas immédiatement pris fait et cause pour Moussa quand la nouvelle de son arrestation a surgit dans ma twittosphère très centrée sur Montreuil. Pourquoi? Parce que je me méfie quand on essaye de rallier mon avis. Ou plutôt si on dans un cas comme celui ci, par autodéfense intellectuelle, si on fait appel à ma raison, j'écoute mon coeur pour commencer, et si on en appelle à mon coeur... J'écoute ma raison. Donc dans le cas de Moussa, quand est apparu ce visage sympa et souriant entouré de gamins, c'est logiquement mon warning de la raison qui s'est allumé.
Les appels au soutien étaient insistants limite lourdingues et agressifs et souvent teintés de bigoterie. Et à première vue l'association Baraka City me paraissait TRES sujette à caution : je mets cet article très à charge de médiapart à titre d'illustration.
De plus les soutiens les plus impliqués étaient des mouvements que je n'aime pas trop, voire que je combats : le Parti des Indigènes de la République, certains politiciens d'opposition de Montreuil... Quand j'ai vu que l'avocat défenseur dépêché au Bangladesh était le controversé Karim Achoui je me suis dit c'est trop. C'est trop pour la raison. L'imagé était celle d'un membre d'une association sulfureuse, intégriste, avec un fonctionnement un peu douteux, soutenu par des communautaristes défendu par l'avocat des voyous...
J'ai alors été sur le facebook de Moussa. Voir ses mots. J'ai vu la manière dont il évoquait son action humanitaire. Beaucoup d'expression religieuse et un certain prosélytisme, mais aussi de véritables actions de secours et de sensibilisation et... un long texte très détaillé sur la situation des Rohingyas. (Je lance un avis : quelqu'un peut-il retrouver ce texte où Moussa développe avec précision, sans pathos ni idéalisation, la réalité de la vie de la minorité Rohingya à la frontière birmane?) La vision et l'analyse de la situation était sérieuse et lucide. Moussa n'est pas un illuminé qui se contente de faire des selfies, c'est un acteur de terrain réaliste et résolu. Et là je commence à changer de point de vue. Je mets de côté ma connaissance très fraîche de Barakacity. Reste un travailleur humanitaire de terrain.
Pourquoi est-il emprisonné? Les motifs invoqués sont un pseudodoute sur son identité (Il a pris un nom musulman ne correpondant pas à celui de son passeport) et... "activités suspectes en lien avec le terrorisme"! Alors là encore j'ai fait marcher ma raison. Je cherche "terrorisme bangladesh" et "rohingyas". Et à part des référence à l'affaire Moussa, rien. Ou alors, de façon sérendipiteuse je découvre le côté extrème et fou de la répression contre les Rohingyas à Cox's Bazar . Tiens, le gouvernement local prétend en appeller aux humanitaires, et embastille sous de faux prétextes ceux qui se présentent? LE DOSSIER EST VIDE!
Le Bangladesh est un état souverain, avec des problèmes à la pelle, qu'il convient de ne pas humilier. Il faut cependant que la France se fasse respecter. Nous avons des milliers d'humanitaires de nationalité française qui agissent à l'étranger. Combien au Bangladesh? Combien iront là bas en cas de catastrophe?
Il ne faudrait à mon avis que peu de pression et de médiation pour que la situation se règle. En quelques jours. Mais les autorités de Cox's Bazar semblent remontées comme des pendules sur la question des Rohingyas. De plus la mobilisation en France pour appeler à la libération de Moussa souffre de deux handicaps : la discrimination et la récupération.
Imaginez qu'on nous apprenne que Jean-Pierre Martin, ou Yves Lemarchand, humanitaire, soit prisonnier sur de simples soupçons au Bangladesh. Mobilisation nationale immédiate! Comment? Bien sûr que si je n'ai aucun doute là dessus. Le fait que Moussa soit noir et qu'il fasse étendard de sa religion musulmane est une double explication à la faiblesse de la mobilisation autour de lui, excepté parmi les musulmans. Le motif d'arrestation, soupçons d'activités terroristes, serait balayé d'un revers de la main si l'accusé était un gaulois chrétien ou athé. Là, Nous avons Puemo Maxime Tchantchuing qui se fait appeler Moussa Ibn Yacoub. Son nom de naissance est dur à prononcer et à retenir aussi. Allez, on tente #FreeMaxime pour voir?
A Montreuil nous sommes très avancé vers une souhaitable indifférence sur les question d'origine et de religion. Que notre maire s'appelle Patrice plutôt qu'Ibrahim tient davantage à la couleur politique qu'à celle de la peau. Notre maire a l'accent méridional, notre député est arabe et nos élus de la majorité comme de l'opposition représentent tout à fait la diversité d'origines de la population de la ville, ce qui fait que nous avons peut-être tendance à oublier que la discrimination est trop forte dans notre France de 2016. Jusque dans les sphère de haut pouvoir? Jusqu'au Quai d'Orsay?
Certains ont déjà tranché et j'arrive au deuxième handicap de la mobilisation, la récupération. Récupération très précoce, localement par Cheick Mamadou, conseiller municipal, qui va aller jusqu'à interrompre les voeux au personnel municipal du Maire, pour Moussa. Récupération par toute la mouvance des Indigènes de la République. Franchement voir Siham Assbague prendre le micro devant le parvis de la mairie de Montreuil c'est difficile pour élargir la mobilisation. Il faut défendre Moussa parce que c'est l'un des notres, un français retenu injustement à l'étranger. Pourquoi le victimiser ici? Pourquoi en faire un étendard de je ne sais quel combat communautaire? C'est très contreproductif. C'est confisquer la cause. Oh que oui, Sihame, c'est politique! Mais le combat vers l'indifférence aux questions d'origine et de religion, s'il passe par Montreuil, ce n'est pas par une exacerbation des communautarismes qu'il passera.
La municipalité avait eu raison d'écarter l'association Baraka city du premier appel à la libération.
Il faut être nombreux à défendre et à soutenir Moussa. Parce qu'il est notre concitoyen injustement retenu à l'étranger. Parce que la France n'abandonne pas ses enfants. Il faut le défendre uni et tous ensemble.
L'audience pour la remise en liberté de Moussa se tiendra le 27 janvier. Amplifions la mobilisation pour nos principes de fierté et d'unité nationale et municipale
#FREEMOUSSA